Seul dans ma chambre surplombant la ville, je contemple le soleil se coucher. Les cordes de ma guitare vibrent sous le poids de mon plectre, j’entame une mélopée trop longtemps oubliée. Voila déjà de long mois que j’entretien ma solitude, noyé par mes rêves et mes larmes, déchiré par la souffrance et la fatigue. Je contemple une image de nous, dérobée au hasard par la pinceau d’un illuminé, fragment d’un rêve qui autrefois fut mien, restes dérisoire d’un amour éperdu.
Jadis, j’étais, le jour un fier paysan contribuant à la prospérité économique de Bonta, et le soir un guerrier sans cœur, traquant sans relâche pour Thomas Sacre. J’avais une famille, des amis, une femme. Ma femme, Eyana, était pacifique. Elle militait pour que les troubles entre les deux cités cessent. Les jours passaient et se ressemblaient, m’installant pas à pas dans une routine apaisante. Mais alors que je croyais avoir atteint le comble du bonheur, Eyana m’annonça qu’elle était enceinte. Cette nouvelle me réjouit. Les mois passèrent, le sourire d’Eyana grandissait au fur et à mesure que son ventre grossissait. Mes heures supplémentaires, m’ayant épuisé, Eya me proposa de partir en vacances. Elle avait toujours voulu découvrir les vastes contrées d’Akwadala. C’est ainsi que nous nous retrouvâmes à bord du transporteur brigandin. Le chalet qu’on avait loué était un peu petit, mais très charmant. La veille de notre départ, Eya eut des contractions. La naissance n’était pourtant pas prévu avant un bon mois. Nous nous dirigions vers le village d’Akwadala, quand nous vîmes de la fumée s’élever de l’horizon. Une fois arrivés, nous constations avec horreur que le village avait été le théâtre d’affrontements sans nom. L’hôpital avait été dévasté, nous rencontrions une disciple eniripsa qui prodigua les premiers soins à Eya, et endigua l’hémorragie, cependant la survie d’Eya eut un prix terrible, la perte de l’enfant.
Deux semaines s’étaient écoulées depuis notre retour d’Akwadala, Eya demeurait plongée dans le mutisme le plus total, allongée du matin au soir, ne sortant plus, j’étais contraint de la forcer à se nourrir. Elle se renferma complètement, et commença peu à peu à m’oublier. Les jours s’écoulèrent, lentement, mon appréhension grandissait de plus en plus.
Un de ces soirs magnifiques où la clarté du soleil flirte avec le ciel crépusculaire. Amaryo me demanda d’aller abattre un sanglier agressif qui s’attaquait aux pauvres paysans dans les champs de Cania. Je déclina l’invitation, préférant rester aux côtés de ma femme, mais celle-ci, pour la première fois depuis notre retour, s’adressa à moi, elle m’assura qu’elle allait bien, et qu’il fallait que j’aille secourir mes amis. Je partis donc le cœur lourd, bien décidé à revenir au plus vite. A mon retour, ma femme n'était plus, le souffle de notre fugitif bonheur avait péri.
Depuis ce jour, j'erre, tel un mort au milieu des vivants. Personne ne m'adresse la parole et j'ignore le monde.
Je regarde les gens, je regarde les choses... Rien n'est plus triste que moi.
Mes rêves, envies, désirs sont anesthésiés depuis qu'elle m'a abandonné.
Marneus.